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Il n’y aura plus de nuit

Eléonore Weber
2020 France 75 min Français

Il n’y aura plus de nuit repose sur des vidéos enregistrées par les armées américaine et française en Afghanistan, en Irak, au Pakistan… Jusqu’où peut mener le désir de voir, lorsqu’il s’exerce sans limites ?

Ces images ne nous sont que trop familières, où de petites silhouettes luminescentes s’agitent dans un monde anthracite, mi-fantômes mi-lucioles, sous la menace d’une cible devenue leur ombre et vouée à les réduire en poussière dans des crépitements de voix de soldat – pilote français dans un hélicoptère à nom de fauve, ou américain dans un engin à nom de tribu indienne. La doctrine des « frappes chirurgicales » a enfanté cet œil arme, qui surveille et punit d’un geste unique, et résume désormais la guerre à l’exercice d’une insatiable pulsion scopique. Si Eléonore Weber propose ici le réexamen de ces images (glanées en ligne où certains soldats les partagent, fiers du travail accompli), c’est avant tout pour rappeler que, pour opérationnelles qu’elles soient, elles n’en sont pas moins des plans. Et qu’à travers cet œil sourd, littéralement extralucide et pourtant toujours myope, se lit l’histoire de la guerre aussi bien que celle du cinéma. Il n’est d’ailleurs pas interdit de retrouver, dans ces images meurtrières, l’écho indu de quelques chefs d’œuvre acquis à cette « pénétration intensive du réel » dont Walter Benjamin avait fait la loi de l’œil photographique – on pense à la nuit sublime de Clemens Klopfenstein, ou aux animaux noctambules de George Shiras. Pierre V., le soldat français interrogé par Eléonore Weber, confesse lui-même son émotion devant les ciels saturés d’étoiles que lui révèle la vision thermique de ses jumelles. Ayant veillé sur sa naissance, l’armée a fini par accomplir le rêve du cinéma en rendant le monde visible au-delà de ce qu’il y a à voir. La nuit, l’homme, ont perdu la bataille, et c’est un autre mot de Benjamin que vient ratifier le film d’Eléonore Weber: la camera, disait-il, « initie à l’inconscient optique comme la psychanalyse à l’inconscient pulsionnel. »

Jérôme Momcilovic

Production :
Gaëlle Jones (Perspective films)
Son :
Carole Verner, Ivan Gariel
Montage :
Charlotte Tourrès, Fred Piet, Éléonore Weber
Contact copie :
Perspective Films, contact@perspectivefilms.fr

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