Istiyad ashbah
Le cinéaste rassemble une équipe d’hommes ayant séjourné comme lui au centre d’interrogatoire al-Moskobiya à Jérusalem. À mesure qu’ils bâtissent un décor carcéral et répètent des rôles de gardiens et de détenus, la parole se libère.
En 2009, dans Fix ME, Raed Andoni, atteint de migraines, filmait sa psychanalyse et laissait affleurer les causes de sa « prise de tête » : le conflit israélo-palestinien. Dans Istiyad ashbah, il imagine un dispositif pour faire émerger la parole de Palestiniens qui, comme lui et un quart de la population masculine, ont été détenus dans une prison israélienne. Acteurs, plombiers, maçons : les volontaires qui répondent à son annonce viennent préparer un film et avant tout construire son décor – la prison d’al-Maskobiya, ré-imaginée à partir de leurs souvenirs lacunaires puisqu’on leur y bandait les yeux. La construction donne à Andoni comme au petit groupe un « support » qui contourne la solennité du témoignage. Mais c’est le jeu de rôle et surtout l’inversion des rôles qui produisent de véritables moments de catharsis, comme lorsqu’un ancien prisonnier se laisse emporter par sa violence en jouant un interrogateur. Peu à peu, le cinéaste met aussi les hommes palestiniens devant l’impératif d’héroïsme qui les entrave implicitement. À mesure que les murs de la fausse prison s’élèvent, ceux du passé tombent et les participants évoquent leur vie amoureuse. Enfants et compagnes apparaissent même dans ce décor soudain plus vivant, remplaçant opportunément les fantômes exorcisés. (Charlotte Garson)
Raed Andoni; Palmyre Badinier; Nicolas Wadimoff ; Doha Film Institute
Sophie Clément; Urban Distribution
Gladys Joujou
Olivier Claude
Camille Cottagnoud