Je m’appelle Garance
« Au début, tendre curiosité de grand-père et de cinéaste, je voulais juste te suivre pendant plusieurs années, filmer quelque chose de l’enfance, comment à tâtons tu construis ta personnalité. » Fille des étoiles, fille des rochers et de la mer, ou encore des baleines, mais toujours d’un roi et d’une reine, Garance n’est humaine que par accident. Son humanité n’est qu’une enveloppe, mais une enveloppe qu’elle ne peut quitter. L’aplomb avec lequel elle improvise ses récits, s’invente des généalogies fantastiques, subjugue Jean-Patrick Lebel qui retrouve en eux l’enchantement premier du cinéma. Mais Garance a aussi ses secrets, ses contrariétés, ses silences, devant lesquels la caméra de Lebel se découvre impuissante. En outre, le cinéma, art cruel, ne peut filmer que le mouvement, la dissipation. Plus le film avance, plus le cadre s’élargit, se socialise. Garance se découvre des compagnons de jeu, les gadgets (la télévision, les jeux vidéo, Pokemon et même les livres) se substituent à la Nature. Au-delà d’un nouvel art d’être grand-père, Je m’appelle Garance est surtout une remarquable méditation sur le plan cinématographique, sur son cadre (fenêtre ouvrant sur des mondes inconnus), sa frontière (mur de verre infranchissable entre soi et l’Autre), sa durée enfin (la disparition, in vitro, de l’être à l’intérieur même de l’être). Le premier plan est, à cet égard, exemplaire. En voiture, Garance, explique à son grand-père qu’elle est une sirène. Toute est là, dans ce face à face, ce first contact : qui mène l’autre, qui conduit la voiture – le film ? Sans ce déséquilibre, ce jeu de bascule, il n’y a pas de plan. (Yann Lardeau)
Bellac films; Cinaps TV
Christian Lack
Jean-Patrick Lebel
Jean-Patrick Lebel
Bellac films