Koyamaru, l’Hiver et le Printemps
La paysanne est fière de ses bottes, sans doute en paille : “Elles sont authentiques… pour une personne authentique.” Sur ce, elle éclate de rire. Nous voici plongés le vif du sujet : l’authenticité. La perche dans le champ est une des prouesses stylistiques du cinéma des années 70. Au nom d’une transparence absolue du film, il fallait que son mode de production même (industriel, marchand) se reflète dans le cadre. Telle était la condition sine qua non pour que le réel affleure à la surface de l’image, jamais en lui-même mais toujours re-présenté. En principe, le reflet dans l’image de son mode de production était censé produire une distance critique salvatrice des consciences enfin non-dupes. Rien de tel ici où tous les procédés de cette rhétorique n’ont été conviés que pour fonctionner à contre-emploi. Tout d’abord parce que l’espace confiné des maisons, l’hospitalité des villageois, l’humour de la jeune femme qui mène les entretiens, abolissent toute distance. Ensuite parce que l’objet même du film, une enclave paysanne attachée à la tradition de plus en plus menacée par la mondialisation de l’agriculture, ne cesse de se dissoudre sous nos yeux. Si la qualité du riz de Koyamaru est due à l’eau récoltée à la fonte des neiges, l’eau est un obstacle à la mécanisation de la culture. Le charme des veillées d’antan, d’avant la télévision, avait pour contrepartie l’enfumage des habitants et la maladie. L’autarcie était source de rachitisme. La terre jadis n’appartenait pas aux paysans, mais aux seigneurs. Ce village qu’on ne voit jamais, tapi au creux des montagnes, enfoui sous la neige, est un pur simulacre, balloté au gré des vagues de l’Histoire. (Yann Lardeau)
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Jean-Michel Alberola
Jonathan Rubin
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