L’Amie d’Amélie
Ouvrant son film sur sa propre voix off et un extrait de film de famille, Clémence Diard fabrique d’abord une sorte de leurre : ayant pris le relais des home movies de son père, elle serait le substitut de son regard, tandis que plus prosaïquement, elle s’apprête à se substituer à leur mère qui vit sur le même palier qu’Amélie, son aînée handicapée, mais s’absente quelques jours. Si ces substitutions aux parents sont des leurres, c’est parce qu’Amélie ne laissera jouer à sa cadette aucun de ces rôles. À Clémence qui s’installe chez leur mère pour une semaine, elle ne parlera que de Christine. Même les pâtisseries servies à sa sœur sont pour Amélie « une répétition pour quand j’inviterai Christine chez moi »… Cette obsession pour l’absente qui donne son titre au film ne relève pas ici du symptôme, comme on le croit un moment : si l’on perçoit bien, dans le vis-à-vis des appartements comme du filmage, l’isolement ressenti par Amélie, la cinéaste nous rend tout autant palpable la distance juste que sa mère et elle-même ont su trouver avec celle à qui, enfant, Clémence « ne pardonnai[t] pas son handicap ». En filigrane de ce portrait à double face (on entend les sœurs se parler par-delà la caméra, mais aussi Amélie parler du film comme de son projet propre), la joie communicative des préparatifs d’amitié révèle surtout dans sa crudité le désir profond qu’a tout un chacun de créer des liens. (Charlotte Garson)
Clémence Diard
Clémence Diard
Clémence Diard
La Fémis