La Quemadura
Où il est question de livres d’une maison d’édition disparue, de photos qui s’effacent, des silences d’une grand-mère, d’une disparition inexpliquée dont le vide hante les mémoires. Les livres : ceux de la maison d’édition Quimantú, interdits pendant la dictature de Pinochet. Les photos : des photos d’une enfance sans mère. Les silences : ceux d’une grand-mère qui, pour élever ses petits-enfants dans un monde serein, a cru bon de redoubler la brusque disparition de sa fille par son effacement dans le langage. Ce qui ne peut s’expliquer se tait. La Quemadura commence par une conversation téléphonique dans la nuit où deux inconnus, un homme et une femme cherchent à mettre un corps, un visage, sur la voix de l’autre, à combler ce qui manque. Si elle est égale, l’obscurité de ce premier plan est trompeuse : elle est double. Chacune de ces voix navigue dans sa propre nuit. Cette dualité du premier plan contamine l’ensemble du film. Si René Ballesteros et sa sœur tentent à travers ce qu’a abandonné leur mère (une collection de livres de poches de Quimantú) d’expliquer sa disparition et leur propre abandon, leur mère, elle, dans sa nouvelle vie au Venezuela, a dispersé tous ses livres et n’en lit plus. La passion d’hier est devenue une phobie. Aux photos troubles de l’enfance fait écho une valise de photos que leur mère a gardée sans jamais l’ouvrir. À la mémoire confuse de la grand-mère de tout ce qui se rapporte à sa fille répond la perte de mémoire de celle-ci, comme si une amputation avait deux faces, qu’au souvenir du cerveau du « membre fantôme », faisait écho le souvenir des impulsions du cerveau fantôme dans le membre perdu. (Yann Lardeau)
Fresnoy, Studio national des arts contemporains
Fresnoy, Studio national des arts contemporains
Catherine Rascon; Marina Meliande; René Ballesteros
Yann-Elie Gorans; René Ballesteros; Marco Burdiles
Severine Pinaud; Jacques Loeuille; Enrique Ramirez; René Ballesteros
René Ballesteros