Le Miroir aux alouettes
Quelques images, quelques mots suffisent à Amalia Escriva pour inverser le bonheur excessif d’une pléthore d’images de vacances d’hier, d’aujourd’hui, voire de demain, ternir la prospérité flamboyante d’une maison — comme un écart anodin dans l’immuable suffit à Barbey d’Aurevilly pour glisser le crime dans le bonheur. Les mots : des noms de lieux-dits cernant la maison du bonheur, Enfer, Paradis, l’étang de Malaguet, de « l’eau mauvaise », l’Algérie, Blanche… Les images : une photo de filles et de garçons en barboteuses, bien qu’ils aient passé l’âge d’en porter, l’insertion des jeux des enfants de la réalisatrice entre des photos et des films des années 50 exaltant la joie de son père et de ses cousins dans cette vaste demeure fermée sur son opulence et pleine de petits secrets connus de tous et complaisamment entretenus pour taire l’autre, le grand, le sujet tabou : l’inceste entre cousin et cousine à la source de cette fiction de la puissance d’une fratrie et de sa ruine. « Dans cette maison, on ne voulait rien voir ». Ni les révolutions qui grondaient en Indochine et en Algérie, ni la dispersion des pères dans les colonies – et surtout pas un cœur gravé sur un arbre. « Blanche et l’Algérie, la double rupture dont mon père ne s’est jamais remis. » Un aveuglement fatal qui inverse le cours des choses et place le malheur et le déchirement à la source de la perpétuation de la famille. Si l’enfer est pavé de bonnes intentions, le paradis, à l’inverse, s’avère pavé de mauvaises intentions. (Yann Lardeau)
Poissons Volants
Poissons Volants
Christel Aubert
Ivan Paulik; Philippe Grivel
Amalia Escriva; Frédéric Cousinie
Poissons Volants