LE RAPPEL DES OISEAUX
« Le 4 août 2009, je voyage en famille dans le Kham, province chinoise peuplée de Tibétains. On me propose d’assister à des “funérailles célestes”, où le corps du défunt est offert aux vautours. » En ouvrant son film sur les images qu’il revisionne à sa table de montage, Stéphane Batut pose d’emblée un dispositif qui ne cessera de mettre en perspective ce qu’il a vu, entendu, filmé. Cette inoubliable expérience du regard, il demande à un Tibétain en exil de s’asseoir avec lui pour en détailler les étapes, en expliquer la symbolique. Pour exorciser sa peur aussi, peut-être. Pas question ici de nier qu’il a filmé en touriste : ce serait prétendre chercher de l’art là où sa démarche, plus taraudante, le touche dans son rapport à la mort et au corps. Comme lorsque Gianfranco Rosi, dans Boatman (1993), en vient à filmer des bûchers funéraires sur le Gange, l’exotisme du rite, grâce au commentaire et au « co-montage », s’ouvre à son exact opposé : un questionnement sur notre propre culture funéraire. Et notre promptitude paradoxale à escamoter les cadavres, à refuser de voir le corps mort même lorsqu’aucune croyance n’en fait le support d’une vie posthume. (Charlotte Garson)
Stéphane Batut; Zadig Productions
Fabrice Rouaud
Stéphane Batut; Sébastien Buchmann
Zadig Productions