LES ÂMES DORMANTES
Alexander Abaturov filme la campagne présidentielle de 2012 à Atchinsk, ville sibérienne où les dissidents soviétiques ont été déportés et avant eux, les opposants au tsarisme. Inspiré par le sens du détail satirique des Âmes mortes de Gogol, il privilégie le fragment sur le portrait. D’où un film peuplé d’un peu moins, mais aussi d’un peu plus, que des personnages : les gestes et les visages restent longtemps à l’esprit sans que l’on perçoive ce qui les meut. Ainsi de cette employée du parti de Poutine (Russie Unie), dont le professionnalisme mécanique traduit un étrange apolitisme, ou du regard d’un député qui pose pour sa photo de campagne, avec l’air de connaître déjà le résultat des votes. À ces esquisses éloquentes sur la corruption du système, le montage ajoute en contrepoint un entretien glaçant avec un « mercenaire » du pouvoir dont l’analyse lucide porte en fin de compte la même indifférence idéologique. Le théâtre – splendides extraits d’une pièce de cabaret satirique – serait-il le seul lieu où vibre une vitalité politique ? Les nouvelles lointaines des manifestations anti-Poutine résonnent à Atchinsk comme les bruits pour un dormeur : il les intègre à son rêve sans avoir la force de se réveiller. Jusqu’au moment où… (Charlotte Garson)
Petit à Petit Productions, A vif cinémAs
Luc Forveille
Alexander Kalachnikov
Artyom Petrov
Alexander Abaturov; Vincent Sorrel
Petit à Petit Productions