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Les Lettres de Didier

Noëlle Pujol
2022 France, Allemagne 66 min
© Andreas Bolm, Noëlle Pujol
© Andreas Bolm, Noëlle Pujol

“Est-il vrai qu’on peut s’attacher une jeune femme par l’écriture ? Correspondance longue de 149 lettres, ce film est basé sur les lettres que m’a adressées mon frère Didier. Il explore comment l’écriture, l’expérience d’un langage hybride, fabriquent un film d’amour.”

Didier est le frère de Noëlle Pujol. Au fil des ans, il lui a écrit cent quarante-neuf lettres pour lui raconter sa vie quotidienne et languir de la revoir. Il l’aime follement, et l’écriture est, d’où il écrit, le seul moyen de s’attacher à elle. Cette écriture n’appartient qu’à lui. Un peu comme dans l’Enig Marcheur de Russell Hoban, dont le narrateur réinventait l’écriture après sa disparition, elle naît dans l’oralité pour tordre les mots et réinventer la syntaxe. Et c’est cette matière éminemment poétique, fabuleuse et terre-à-terre, courant au-devant d’elle-même, d’une poésie d’autant plus puissante qu’elle n’a d’autre but que d’envoyer des messages, que Noëlle Pujol confie à deux très grands acteurs, Nathalie Richard et Axel Bogousslavsky. Un été, dans quelque campagne anonyme que la cinéaste nomme le pays de la Didierlangue, ils disent, répètent, précisent, varient les lettres de ce frère éloigné. Tout à tour, ils profèrent ou reçoivent, disent ou chantent, alternativement ou ensemble, absorbés par le texte ou l’accompagnant d’une danse ou d’un air de flûte, comme une complainte ou comme une fête, ce texte exigeant leur concentration et leur écoute. Car cette exigence du message donne un corps au lien, et ce lien n’a rien de simple. L’amour que ces lettres expriment à ciel ouvert renvoient aux jeux interdits de l’enfance, communiquent un désir de promiscuité et d’emprise qui se joue dans le rapport physique de ces deux acteurs entrelaçant leurs corps et leurs mots. Voilà comment se fabrique un film d’amour, et l’un des films les plus libres qui soient, tant il sait de quelles entraves le langage, l’amour, la liberté doivent se jouer.

Antoine Thirion


Lire l’entretien avec Noëlle Pujol

Production :
Noëlle Pujol, Pickpocket Production
Image, Son :
Andreas Bolm et Noëlle Pujol
Montage :
Claire Atherton
Contact copie :
bollomat@hotmail.com

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