Madame Jean
Deux femmes de deux générations différentes conversent à la table d’une vieille ferme du Cantal, filmées par une caméra à l’épaule qui semble respirer en même temps qu’elles. Dans la pièce, les variations de lumière et le bruit des voitures renvoient hors champ à un monde agricole en perpétuelle mutation. Marie-Hélène Lafon rend visite à Madame Jean et la questionne sur son passé. Elles partagent une enfance paysanne, une langue légèrement infléchie d’expressions régionales, quelques recettes du cahier de Madame Jean que son interlocutrice a déjà goûtées ici. L’un des gâteaux a d’ailleurs un nom qui pourrait convenir à Marie-Hélène : la visitandine. Est-ce parce que celle-ci, écrivain, réinvente dans ses romans l’enfance début-de-siècle de la vieille femme, qu’elle vient raviver ses souvenirs ? Quand Madame Jean évoque « Jacques de la caisse », le colporteur aveugle, ou ses grands-oncles de la « classe 14 » tous morts au front, elle charrie dans ce « nous » émouvant jusqu’à des ancêtres qu’elle ne connaît que par ouï-dire. A mesure que les pommes sont pelées et que, dans le récit, les hectares de la ferme des parents de Madame Jean grandissent à coups d’achats de parcelles environnantes, la relation de Marie-Hélène à la mère de Madame Jean jette un léger trouble. Qui raconte, qui écoute ? Comment se fait-il que ce soit à Marie-Hélène, alors fillette, que la mère de Madame Jean a parlé de la bête du Gévaudan ? Et si c’était la « sauvagerie qui venait très doucement » dans « cet intérieur très rassurant » qui justement avait fait naître entre ces murs une vocation d’écrivain ? (Charlotte Garson)
ADR Productions
Philippe Boucq
Marc-Antoine Roudil
Benoît Dervaux
ADR Productions