MARE MAGNUM
La campagne électorale houleuse de la candidate municipale écologiste Giusi Nicolini sur l’île de Lampedusa offre un point de vue inédit sur cette île aussi abandonnée du cinéma qu’elle l’est du reste du monde. Devenue malgré lui le cimetière de l’immigration africaine en Europe, cet archipel devient tout à coup sous nos yeux un lieu habité. Avait-on pensé aux résidents, dépassés en nombre à l’hiver 2011 après les exils dus au « Printemps arabe », et laissés de côté par le gouvernement berlusconien ? Comme dans l’hôtel de ville de Palerme dans Palazzo dell’Aquile, Ester Sparatore (co-réalisatrice de ce dernier) et Letizia Gullo posent leur regard au milieu de cet abandon-là . Plutôt que de partir de la représentation médiatique (les migrants en transit, les structures d’accueil impropres à l’afflux), elles emboîtent le pas à une candidate à la mairie, Giusi Nicolini, dont l’écologisme et le métier d’origine (elle dirigeait la réserve naturelle du cru) la placent à l’écart du maelström politicard dont le film se fait aussi l’écho en quelques scènes drolatiques. Nullement fondé sur le suspense (elle a été élue en mai 2012), Mare Magnum fait exister en chemin tout un paysage local. Ce n’est pas la moindre des qualités du film que d’articuler une dimension internationale et par petites touches, mythologiques de ce lieu inouï avec la chronique de sa banalité villageoise.
Charlotte Garson
Ferris & Brockman
Stefano Cravero
Ester Sparatore; Letizia Gullo
Ester Sparatore; Letizia Gullo
Ferris & Brockman