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Moi aussi, je suis à  bout de souffle

Christian Docin-Julien
Catherine Catella
2006 France 78 minutes Français

Infirmière à son compte, Maryam n’a jamais le temps. Toujours à courir dans La Joliette à Marseille, d’un malade à l’autre, de vieilles personnes dépendantes pour qui parfois elle est la seule visite, le seul lien avec l’extérieur. Elle n’a jamais le temps, mais elle en trouve toujours à leur donner, pour les laver, les habiller comme ils l’entendent, réparer leurs appareils ménagers, faire des courses. Même dehors, sur le trajet, il faut qu’elle pense à eux. Pourtant, elle a décidé d’arrêter, de céder son cabinet. Comment le dire ? Comment le faire accepter ? La relation de confiance, d’intimité qu’elle a construite avec ses patients, lui apparaît soudain comme un obstacle. Elle présente le couple qui va la remplacer à ses malades. La passation ne passe pas. Non pas que les nouveaux venus soient moins attentionnés qu’elle, mais la relation que Maryam avait construite avec ses patients était au-delà de l’acte médical, devenu secondaire. Maryam n’arrive plus à partir, à laisser derrière elle ses malades. Ce qui initialement pouvait paraître comme un sujet simple à filmer, la fermeture d’un cabinet d’infirmière, une réalité immanente, devient soudain très compliqué, lourd à porter. Comment différencier ce temps suspendu entre le départ annoncé et l’impossibilité de partir. Certains évoquent leurs souvenirs avec Maryam, l’un sort un vieux cahier de photos, une autre des lettres. Mais surtout, il y a Ghislaine. Ghislaine, hémiplégique, qui déjà avait fermé les yeux, renoncé à voir, silencieuse, qui entrouvrait à peine la bouche pour avaler les pâtes ou les cuillers de flan que lui tendait Maryam, et dont l’état se dégrade dangereusement peu de temps après l’annonce du départ, Ghislaine dont les lèvres se ferment comme si on l’avait privée de son dernier souffle, et sur laquelle le film se referme, comme s’il découvrait dans son propre mouvement que filmer le travail de Maryam, ce n’était pas la filmer, elle, la suivre en longs plans séquences, mais tout arrêter et rester avec un malade, sur cette bouche entrouverte, dernier lien avec le monde. (Yann Lardeau)

Production :
Films de Nemo; Films du Tambour de Soie
Montage :
Catherine Catella; Christian Docin-Julien
Son :
Catherine Catella; Christian Docin-Julien
Photo :
Catherine Catella; Christian Docin-Julien

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