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My Girlfriend’s Wedding

Jim McBride
1969 États-Unis 60 minutes Anglais
© Jim McBride
© Jim McBride
© Jim McBride

La petite amie du cinéaste va se marier avec un autre (pour de très sérieuses raisons de commodité : nationalité à changer), et son amant, le cinéaste, est témoin du mariage : doublement témoin, le filmant et y tenant le rôle de témoin. On pourrait croire d’abord à quelque suite du « journal intime » du cinéaste, inauguré – par personnage interposé – avec David Holzman’s Diary ; mais si McBride continue de « se » filmer, c’est plus encore que dans son premier film au style indirect qu’il le fait, sans user du « je ». Sa caméra filme sa petite amie, ses amis, et lui avec eux, quand il n’est pas avec elle (la caméra). Il s’agit donc d’un cinéma du possessif (ce que souligne le « my » du titre), où curieusement l’abondance des liens de possession entraîne une sorte de dépossession du « je » du possesseur de tous les éléments du film (et du film lui-même) : un éparpillement de « l’auteur ». C’est la question de la place de cet auteur (du cinéaste) par rapport au film que le film pose. Entre cinéaste et film, cinéaste et caméra, cinéaste et petite amie (et entre caméra et petite amie, forcément) s’établissent des relations assez complexes, et changeantes, relations filmiques puisque aussi bien elles sont toute la matière (et les modes d’être de cette matière) du film. Le film « raconte » (ou confesse, puisqu’il y a dévoilement d’un secret) les rapports, entre eux et avec lui, de ceux qui le font. Et cela, sans passer par le subterfuge classique du « film dans le film » : le film est d’emblée dans le film puisque le cinéaste y est, même si justement sa situation y est ambiguë, ni tout à fait dedans (personnage) ni tout à fait dehors (metteur en scène). Ce n’est donc plus le cinéaste qui se raconte à travers le film, mais bien plutôt le film qui se parle à travers et son cinéaste et les attribut de ce dernier, l’ambiguïté du rôle et de la place de celui-ci dans et pour celui-là se retrouvant à d’autres niveaux : plus de frontière (ou brouillée) entre complicité et indiscrétion (séquence de l’interview de la petite amie qui dit au film ce que le cinéaste sans doute savait déjà, mais qui le dit comme pour la première fois, parce qu’il s’agit du film, justement), gravité et fantaisie, etc. Ce brouillage systématique conduit à d’autres effets : technique (16 mm synchrone) et situations (« vraie » petite amie, « vrai » mariage et aussi « vrai » cinéaste) relèvent du cinéma direct ; mais leur produit, de la fiction souvent la plus délirante : la confession se fait jeu, et à ce jeu, en ce jeu, la vérité est fiction, l’une en l’autre intimement et naturellement résolues. Une nouvelle dimension du cinéma direct ainsi se définit (non la moins paradoxale, ni la moins riche) : ludique. (…) Jean-Louis Comolli Cahiers du Cinéma, n° 213, juin 1969

Production :
Paradigm Films
Montage :
Michael Levine; Jim McBride
Son :
Larry Johnson
Photo :
Michael Wadleigh

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