Now He’s out in Public and Everyone Can See
Infirmant le devenir « post-racial » de l’Amérique d’Obama, ce tressage vertigineux de blogs vidéo commentant plusieurs affaires trace un portrait de « l’homme noir » qui documente aussi la rumeur à l’ère des médias sociaux.
« C’est l’histoire d’un Noir »… Ce montage de blogs vidéo recueillis de 2009 à 2011 tisse un récit collectif diffracté et contradictoire. Bientôt les « FAITS » – mot martelé par chacun dans un équivalent contemporain du chœur antique – s’effacent sous le gribouillis de la rumeur, de l’opinion, de la mise en scène de soi par les locuteurs devant leur webcam. « Il nie son identité noire… Il n’est pas vraiment comme nous. » Tantôt celui par qui le scandale arrive semble l’auteur d’un fait-divers précis, tantôt ce ne peut être que Michael Jackson, tantôt le président Obama, dont les mandats, qui auraient dû marquer l’avènement d’une Amérique « postraciale », ont vu se réactiver la « question noire » aux États-Unis. On aurait tort de croire que le dispositif polyphonique de Natalie Bookchin, déjà au cœur de Long Story Short (primé au Réel en 2016) donne lieu au même résultat. Autant dans son film sur l’expérience intime de la pauvreté aux États-Unis, la parole individuelle se subsumait dans un collectif politiquement puissant, autant ici, les individualités des vlogueurs et la variété de leurs spéculations révèlent plutôt la nature composite du terreau populiste actuel. La décontextualisation des récits, comme passés au tamis d’une écoute flottante, aboutit au constat glaçant que le seul fait d’être homme, noir et « hors de chez soi » ou « dans l’espace public » constitue en soi un scandale. (Charlotte Garson)
Natalie Bookchin
Natalie Bookchin
Natalie Bookchin