Odoriko
« Odoriko » désigne les danseuses d’un art bientôt disparu, celui du théâtre de strip-tease japonais. Alors qu’il a pu constituer un divertissement populaire au même titre que les spectacles comiques, seuls une vingtaine de ces clubs de strip-tease sont encore en activité dans le pays. Les femmes continuent à voyager seules avec leurs costumes dans leurs bagages, d’une loge à une autre.
On entend au loin la voix grésillante du speaker, qui annonce avec une conviction relative le prochain numéro : « La scène est cet endroit, dit-il, où la neige tombe en été et le soleil brille en hiver. » Mais de ce côté-ci, dans les loges où se préparent les danseuses, le monde tourne à l’endroit, c’est-à-dire autour de questions pratiques : costumes miroitants à repriser puis enfiler dans un bruissement de sequins, maquillage savant devant des miroirs encombrés, nouvelles prises par téléphone de la famille lointaine, étirements, climatiseur en panne. La fiction a effleuré souvent (chez Renoir, Cassavetes ou Ferrara) cette sociabilité féminine des coulisses, cernée par le regard des hommes. Les strip-teaseuses répondant, ici, au nom ancien d’odoriko ont l’entière attention de la caméra discrète de Yoichiro Okutani. Les hommes n’y subsistent qu’à la marge, devinés dans le hors champ des théâtres vétustes où, de toute façon, ils sont de moins en moins nombreux. Car il ne reste au Japon qu’une vingtaine de ces clubs désuets, accueillant sous leurs néons fatigués les danseuses itinérantes qui seront, peut-être, les dernières représentantes de leur art. Leur professionnalisme endurant est ici, d’une loge à l’autre, le véritable spectacle, ramené du fond des miroirs qui sont voués à boire leurs ultimes secrets.
Jérôme Momcilovic
Lire l’entretien avec le réalisateur sur le blog Mediapart de Cinéma du réel
Asako Fujioka (Documentary Dream Center), Eric Nyari (Cineric Creative), Yoichiro Okutani
Yoichiro Okutani
Young-chang Hwang
Keiko Okawa, Yoichiro Okutani