ON A GRÈVÉ
À vingt minutes des Champs Élysées, les femmes de chambre d’un hôtel Première Classe, étrangères pour la plupart illettrées, font grève pour la première fois. Chez Denis Gheerbrant, qui possède une qualité d’écoute hors-pair, les mots ont toute leur importance parce qu’ils participent des actes : « Première Classe » quand on paie illégalement les employées à la tâche et non à l’heure… L’expression appelle presque un film pour dégonfler l’arrogance d’un énorme groupe hôtelier « exploitateur » (le mot revient plusieurs fois, et son impropriété sonne juste). L’autre fait linguistique qui capte son attention, presque au terme du combat, est le passage du substantif « grève » au verbe « grèver » dans la bouche d’une travailleuse fière d’avoir pour la première fois défendu ses droits. Même quand elles répondent aux questions du cinéaste, les employées le font en pleine action, en une énergie communicative qui semble redoubler l’endurance du filmeur. Quand on comprend qu’elles sont aidées dans leur lutte par un syndicaliste affilié à la CGT et manifestement aguerri, on craint un moment un tournant du récit, comme si la spontanéité de ces « primo-grévistes » pouvait être manipulée. En fait c’est à l’histoire d’un apprentissage, d’une initiation à la chose politique, que s’intéresse le cinéaste. (Charlotte Garson)
Les Films d'Ici
Denis Gheerbrant
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