On the Battlefield

La première réalisation du Collectif Little Egypt met en scène un preneur de son qui renoue avec les champs plats où s’élevaient autrefois les Pyramid Courts – cités qui formaient le cœur de la communauté noire de la région de Little Egypt, dans le sud de l’Illinois.

Accouché par une grande et bruyante nuée de moineaux, un homme, noir, promène une perche dans ce qui semble un terrain vague. Il a un casque sur les oreilles, il est preneur de son, il écoute – on lui parle. On lui parle depuis le sous-sol, où git une histoire effacée par le terrain vague. Pendant un demi-siècle, se sont dressées ici des rangées de logements sociaux, et avec eux un pan éloquent de l’histoire afro-américaine. La ville, située le long du Mississippi, porte le même nom que la capitale égyptienne (Cairo), et fut pendant les années soixante un avant-poste de la lutte pour les droits civiques. Il en reste aujourd’hui ce qu’il reste de beaucoup de villes américaines liées à cette histoire : des ruines, des bâtiments abandonnés et rongés par le lierre, une faillite tombée comme une dernière punition, un énième sursaut de ségrégation. C’est dans ce silence coupable qu’On the Battlefield tend l’oreille avec son preneur de son, quelque part entre field recording et séance spirite : pour laisser remonter l’histoire dans le murmure des fantômes. Et surtout dans une chanson, qui, donnant son titre au film, vient rappeler qu’il y a un champ de bataille derrière chaque terrain vague.

Jérôme Momcilovic

Lire l’entretien avec le Collectif Little Egypt