Ontem Havia Coisas Estranhas No Céu
Mon père ayant perdu son emploi, ma famille entière a dû retourner vivre dans notre maison de Bresser, un vieux quartier ouvrier de São Paulo. Ils ne sortent pas de la journée et se disputent beaucoup. Les chiens aboient. Pendant ce temps, je les filme.
Dix minutes après le début du premier long-métrage de Bruno Risas, au moment où sa mère Viviane se décrit précisément telle qu’on la voit – « personnage » assis sur le canapé du salon, fumant lentement la cigarette qu’elle tient dans la main gauche, exprimant regrets et lassitude existentielle après les corvées du matin – il ne fait plus de doute que ce home-movie relève d’une mise en scène soigneusement concertée. De précédentes scènes de vie ordinaire, proprement découpées, permettaient déjà non seulement de reconnaître la main de ce chef-opérateur talentueux, collaborateur d’une jeune génération de cinéastes brésiliens parmi laquelle Gustavo Vinagre ou Juliana Rojas ; mais aussi l’impression manifeste d’une connivence, d’un travail collectif déjouant les assignations des sujets aussi bien que le jeu habituel du vrai et du faux. Pendant près de dix ans, Risas est revenu à Bresser, quartier ouvrier de São Paulo où il est né, pour filmer ses parents, sa sœur et sa grand-mère atteinte de démence sénile. Décennie qui aura vu la fin de Lula, la destitution de Roussef et l’avènement au pouvoir de Bolsonaro, sans troubler les rituels d’une vie se représentant à elle-même ses conditions d’existence par la fabrication d’un film. Arrimé à la répétition des tâches et à la succession des jours, ce travail de fiction finit par produire, aussi indubitable que bref et inexplicable, un phénomène extraordinaire.
Antoine Thirion
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