Patrick
Évocation de la vie du producteur musical Patrick Cowley avec pour toile de fond le charme postindustriel de South of Market, un quartier gentrifié de San Francisco autrefois célèbre pour ses discothèques et ses bars gays, comme une sorte de quête pour retrouver l’énergie de Cowley qui subsisterait encore en ces lieux.
Le générique dépose le prénom sur une bande de sable, frôlée par l’écume – on aurait aussi bien pu y dessiner ce prénom, Patrick, avec la main. Sur les images carrées, oranges d’aube ou de crépuscule, on entend les vagues qui sont la cause de l’écume et qui grondent de plus en plus fort, mais ce ne sont pas des vagues, du moins pas des vagues d’eau. C’est le début d’un morceau, Sea of China, écrit en 1980 par Patrick Cowley, météore adulé pour ses prouesses synthétiques au service du disco, compositeur pour films porno gay, musicien génial mort à 32 ans du Sida – il fut l’un des premiers. La vague, c’est donc une poignée d’ondes travaillées par Cowley dans un synthétiseur modulaire, et le film (intégralement bercé par sa musique) la recueille comme si elle avait fait le voyage depuis les années 1970 pour retrouver le paysage où elle fut composée. Le geste impressionniste qui guide les beaux portraits réalisés par Luke Fowler révèle ici tout son pouvoir d’invocation. Dans les lieux ou les objets filmés à San Francisco, où est née l’œuvre de Cowley, Patrick cherche d’abord les traces d’un passage. Cela explique son goût des mots gravés dans le bois, des graffitis ou des prénoms dans le sable, et le sentiment de trouver moins, dans ces lieux et ces objets, des souvenirs qu’une onde résiduelle, une fréquence discrète amplifiée par le grain du 16 mm et les mots de Maurice Tani, proche collaborateur de Cowley. Après tout, Edison, ayant inventé le cinéma, avait passé le reste de sa vie à essayer de fixer la voix des esprits.
Jérôme Momcilovic
Luke Fowler
Patrick Cowley - courtesy of Dark Entries Records