Port of Memory
Il n’y a, dans Port of Memory, qu’un travelling en voiture, vison subjective d’un conducteur, d’un homme roulant vers une vérité inacceptable : la perte par son avocat du titre de propriété de sa maison, l’effacement légal de son bien. Le seul hors-champ visuel à la scène de ce film statique, entièrement tourné à l’intérieur de Jaffa dans un temps suspendu. Maisons murées, avis d’expropriation, les consommateurs immobiles d’un café, un excentrique tournant en rond en scooter en hurlant, une vieille femme malade et sa fille rivées à leur téléviseur diffusant tantôt la biographie d’un Christ devenu impuissant à conjurer les calamités du monde moderne (on décroche le chromo de la Cène du mur), tantôt la fusillade d’un téléfilm de guerre, des chats errants, l’angoisse d’un couple tétanisé devant les sombres certitudes de l’avenir, et, pour finir, un cimetière surplombant la mer et la nuit enténébrant les terrasses, la peinture que nous donne Kamal Aljaafari de Jaffa la Palestinienne, est celle d’une peau de chagrin se refermant lentement sur des habitants résignés, écrasés par la fatalité, quoi qu’ils en disent, comme si la répétition au ralenti des gestes quotidiens était leur seul moyen de suspendre le cours du temps, de retarder l’inéluctable. La révolte contre l’injustice n’existe plus ici qu’à l’état de fiction, dans un stéréotype figé, les répétitions d’un film israélien. De l’ombre enveloppante et étouffante de Tel-Aviv, rien, aucune image, sinon le grondement lointaine d’un chantier de terrassement, le ronronnement furtif, ça et là, d’un hélicoptère, les sirènes étouffées de voitures de police. (Yann Lardeau)
MPM FILM
Marie-Hélène Mora
Gilles Laurent
Jacques Besse
MPM FILM