Qianmen qian
Un homme téléphone au gouvernement d’une cabine publique : il proteste avec véhémence parce que sa maison vient d’être détruite sans même qu’il ait été prévenu. On lui répond que c’est une erreur, que les ouvriers analphabètes qui viennent de la campagne ont mal lu les ordres. Les hutong étaient le vieux Pékin : petites maisons au fond d’une cour fermée par un mur en briques grises, rues étroites, une vie de voisinage et de petits métiers. Y vivent des petites gens, des Pékinois qui étaient une mémoire de la ville et de ses événements – non la mémoire officielle de la Cité Interdite, mais celle d’un peuple. La préparation des Jeux Olympiques leur est fatale. Les derniers hutong de Qianmen, au sud de la Cité interdite, disparaissent sous les coups des pelleteuses pour qu’un Pékin flambant neuf accueille les Jeux. Les expropriations sont brutales, les indemnisations insuffisantes (calculées sur les prix de 2001), les protestations vaines. La police veille, la presse est absente. Les hutong ne sont plus qu’un amas de gravats – un paysage de ville détruite par un bombardement. De longs plans-séquences montrent la colère des habitants, leur révolte contre le montant des indemnisations et la spéculation foncière, leur angoisse parce qu’ils ne savent où loger et n’ont pas l’argent nécessaire, la tristesse des relogés dans des tours de banlieue où ils ne connaissent personne, la détermination à rester jusqu’au bout : dans sa maison en ruine, une famille s’apprête à dîner à la lueur d’une chandelle tandis que les enfants font leurs devoirs. Un vieil homme interpelle les responsables du chantier : « Que viendront voir les touristes quand vous aurez détruit les hutong ? Des tours qu’ils ont déjà chez eux ? » Trop tard, un mur décoré « à l’ancienne » a déjà caché les ruines. (Yann Lardeau)
Limited Adventures
CBA / Centre de l'Audiovisuel à Bruxelles
Yannick Leroy
Yuzhe SONG
Ya Xuan ZHANG; Weiwei SUN; Jin YANG