Saba
Au Brésil, la journée d’un couple de centenaires, du réveil au coucher, une de ces journées que la vie gagne sur la mort. Une journée faite de riens : de la toilette, le matin, par l’infirmière, d’un regard lancé par la fenêtre, et de longues heures d’attente au fond d’un canapé, la main dans la main, à contempler dans un demi-sommeil, l’au-delà , cette lumière blanche qui vient du dehors. On voit peu ces deux vieillards : deux silhouettes lointaines tassées côte à côte au fond de leur siège, tout au bout d’un couloir sombre, ou alors de très gros plans, une main, une bouche pincée, une joue qu’on rase, des jambes qu’on déplie, des vues fragmentaires confrontées à d’autres vues fragmentaires, des compositions abstraites (des angles de fenêtre, des bouts de meubles, des embrasures de portes, des coins de mur), comme si le monde réel dans sa diversité, dans sa complémentarité, dans son mouvement, s’était retiré pour ne plus exister qu’off, par le bruit continu de la circulation dehors. Ils sont à la fois là et pas là. Ou partiellement là. Immobiles hors du temps et de l’espace. Dans la pénombre, la vie s’écoule doucement, laissant la mort d’installer. Le vieil homme le dit brutalement, une dernière fois, des propos off sur fond noir, une voix sans corps : « Ceci n’est pas une vie. » ( Yann Lardeau)
Gregorio Graziosi; Thereza Menezes
Noelle Rodrigues; Thereza Menezes
Raphael Lupo
Gregorio Graziosi