SANGRE DE MI SANGRE
Avec une étonnante fluidité narrative, Jérémie Reichenbach filme alternativement le travail et la vie domestique d’une famille d’Argentine dont les deux garçons travaillent dans un abattoir. Petit à petit, ce qui nous paraissait à la lisière du fantastique ou de l’horreur (l’arrivée en voiture dans la pénombre, le bruit des couteaux qu’on aiguise au vestiaire, la vapeur qui monte des carcasses dépecées) entre en circulation avec les gestes du quotidien le plus vivant qui soit, le linge que Tato étend, l’air de guitare qu’il joue à l’église. Sans être éludée, la dureté non seulement de la mise à mort mais des conditions de travail elles-mêmes se trouve inscrite dans l’orbe de vies qui ne s’y laissent jamais réduire. À un moment stratégique du film, un écriteau qui n’a l’air de rien, « ABATTOIRS SANS PATRONS », donne une piste qui peut expliquer cette sensation de continuum gratifiant entre ce travail si particulier et la vie du foyer. Sans être montrée comme utopique (pour preuves, les discussions houleuses dans les bureaux), l’autogestion apparaît presque comme une modalité de la sociabilité familiale, et à l’inverse, une discussion à bâtons rompus lors d’un barbecue prend des accents politiques quand elle aborde la perte de la culture et de la langue d’origine. Étrange douceur de ce faux Sang des bêtes qui explore à bas bruit, sur fond d’ode chantée à la mère ou de couplets grivois, la chaleur des liens du sang. (Charlotte Garson)
Quilombo Films
David Jungman
Jérémie Reichenbach
Jérémie Reichenbach
Quilombo Films