Schaslivyia liudzi
À les voir travailler de l’aube à la nuit, à l’étable, au pré, au potager ou à la cuisine, qui pourrait croire que Yuri et Tamara Bajkous ne portent pas sur leurs épaules le fardeau d’une ruralité ancestrale et subie ? En fait, c’est délibérément qu’en 1989 ils ont quitté Saint-Pétersbourg pour un coin perdu de la forêt biélorusse, s’installant dans une hutte. Ce qui ne devait être qu’un abri temporaire dans l’attente de la construction de leur ferme est devenu leur maison, faute d’aide de l’État. Avec sa caméra qui sait quand il faut prendre racine, Victor Asliuk filme les travaux et les jours à la fois dans leur ingénieux enchaînement (« J’ai rentré les canards. – Bravo ! Fais bouillir l’orge. Demain on ramassera les tomates… ») et comme patinés par les vingt-cinq ans qui séparent l’arrivée du couple de son quotidien actuel (les douleurs de l’âge qui rendent la cueillette difficile). En une poignée de plans, les quatre éléments apparaissent dans leur force générique, dégagée des circonstances, et la chronique, sans le moindre soupçon de folklore, tend vers l’imagier. Ou vers le mythe : entre arche de Noé (chaque bête a un nom) et paradis dont Adam et Eve n’auraient jamais été chassés. À tel point que quand le couple traverse la rivière pour aller vendre un mouton, le cinéaste choisit de ne pas le suivre. On se demande même s’il n’y est pas encore. (Charlotte Garson)
Victor Asliuk
Uladzimir Mirashnichenka
Anatol Kazazaeu
Studio Sonica
Victor Asliuk