Sem Companhia
Ernesto et Gaspar purgent leur peine dans une prison de haute-sécurité du Nord du Portugal. Comment filmer l’imagination d’hommes qui attendent leur libération ? Pour João Trabulo, tourner en répétant tous les jours avec les détenus ne signifiait pas abandonner la réalité quotidienne. La créativité en commun dans un espace hostile dont il a dû apprendre les lois tacites était la seule façon, forcément indirecte, de rendre visible et audible cet entrelacs d’espoir et de peur. De la vie en prison, Sem companhia montre certes une partie – le travail surtout, couture ou cuisine, fabrication de porte-clefs dorés en forme de Tour Eiffel… Mais la beauté des cadrages, l’utilisation de musique et les répétitions inscrivent le film à la lisière de la fiction, comme si elle seule pouvait transmettre les pensées utopiques que génère cet environnement. Deux à deux, en des saynètes drôles ou énigmatiques, les détenus s’injectent de petites piqûres d’imaginaire, comme l’aiguille du tatoueur marque leur peau. Leurs lectures surtout ont toujours à voir, métaphoriquement, avec leur situation de vie, que ce soit le héros du Parfum de Patrick Süskind (« il tue parce qu’il ne sait pas ce qu’est l’amour ») ou le congre d’un poème qui « grandit dans son terrier jusqu’à des proportions inimaginables ». Le dernier plan du film, tourné hors de la prison, inverse le questionnement sur l’incarcération. La vie dehors, « avec compagnie », n’est-elle pas parfois tout aussi encagée ? (Charlotte Garson)
Periferia Filmes
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