Senkyo
Au Japon comme ailleurs, un parti politique institutionnel ne fait de cadeaux ni à ses militants ni à ses candidats quand « les enjeux sont nationaux ». Monsieur Yamauchi, terne candidat parachuté de Tokyo du Parti libéral démocrate (alors au pouvoir) à de modestes élections locales l’apprend à ses dépens. Hormis le besoin de sang frais du parti, nul ne sait ce qui pousse cet « entrepreneur dynamique » (en timbres et monnaies), à entrer en politique. On n’en saura guère plus sur son « programme en trois points » (des crèches ?). Seul compte le rappel sans fin de son nom et de son parti, « parce qu’au-delà de trois secondes, les électeurs ne retiennent rien de ce qu’on leur dit ». Le candidat doit supporter sans broncher les remontrances et les humiliations de ses lieutenants. On brocarde ses retards, on lui rappelle que le carnet d’adresses de ses supporters n’est pas le sien, on l’ignore quand le Premier ministre vient en grande pompe le « soutenir ». Le valeureux candidat touche le pompon quand, le soir des élections, son absence à son bureau de campagne fait dire à un de ses conseillers qu’au siècle dernier, il aurait dû « se faire hara-kiri ». Le film compose ainsi de la campagne de Yamauchi l’image de la solitude d’un coureur de fond qui ignore que la mort l’attend au bout de la course, entre une haie de supporters qui le fuient dès qu’ils le voient et une équipe de coachs experte dans l’art du croc-en-jambe. Senkyo est l’exposition programmée d’une mise à mort qui ne dit pas son nom. Yamauchi gagne son pari, mais le soir de la victoire, il n’est plus là, le siège du vainqueur est vide. Le film aura pourtant trouvé son « Jiminy Cricket » dans l’épouse du candidat qui, tout en acceptant de seconder son mari et de jouer son rôle d’épouse modèle, ne cesse de rechigner avant de se rebeller ouvertement. L’épouse-maîtresse-de-maison-pas-encore- désespérée-mais-ça ne- saurait-tarder pose aux cadres du parti la question qui tue, sachant pertinemment que son mari a tout engagé dans cette aventure, sans possibilité de retour: « Qu’adviendra-t- il- de nous s’il est battu ? » Inutile de dire que la dame penche alors dangereusement à gauche. (Yann Lardeau/Marie-Pierre Duhamel-Muller)
Laboratory X
Kazuhiro Soda
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