SLAUGHTERHOUSES OF MODERNITY
À travers l’analyse de l’architecture fascisante des abattoirs de Francisco Salamone, des édifices utopistes de Freddy Mamani Sylvestre, ainsi que de la reconstruction du « château de Berlin », le film explore la dualité de l’architecture moderniste, qui tient à la fois de l’avant-garde et de la propagande politique
Dans sa série « Photography and Beyond » initiée en 1983, qui compte aujourd’hui trente-cinq films magnifiques, Heinz Emigholz présente des jalons de l’architecture moderne dans des séquences vives de détails photographiques. Si Slaughterhouses of Modernity n’appartient pas à cette série à proprement parler, il puise largement dans les deux derniers épisodes, à propos des œuvres de Francisco Salamone et de Freddy Mamani. Le premier a construit des bâtiments publics, des cimetières et des abattoirs dans la pampa argentine durant la Décennie infâme ; le second, d’incroyables immeubles tape-à-l’œil à El Alto, en Bolivie, qui défient toute austérité fonctionnelle en s’inspirant de modèles indigènes. Si le besoin s’en fait sentir, Emigholz ne s’empêche pas de revenir à des images plus anciennes de la série, afin d’établir un lien entre les bâtiments publics de Salamone et un bureau de poste conçu par Angiolo Mazzoni dans l’Italie mussolinienne ; ni d’établir des raccords féroces, pour envoyer, par exemple, un palais allemand se faire voir au beau milieu de l’Altiplano. Le programme structurel est ici totalement renversé par la logique éclectique et hérétique de l’essai, multipliant les prises de position polémiques, les manifestations d’humour noir et les séquences excentriques pour former une critique féroce de la modernité, prise en étau entre l’avant-garde et la propagande totalitaire ; entre « des lieux où la modernité commet des massacres, et des lieux où elle est massacrée ».
Antoine Thirion
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Filmgalerie 451 (Frieder Schlaich)
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Till Beckmann, Heinz Emigholz
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