Slow Action
En 16 millimètres et en cinémascope, les trois îles du Pacifique que filme Ben Rivers (plus celle, fictive, de « Somerset ») situent d’emblée Slow Action dans la science-fiction. A mi-chemin entre le traité de biogéographie et Fata morgana de Werner Herzog, les images et leur commentaire off impassible décrivent un monde hypothétique à la population raréfiée. Des communautés survivent dans une adversité sans précédent. Kanzennashima, la deuxième île, est une ville minière désaffectée au milieu de l’océan. Cette urbanité à l’abandon porte la trace de l’utilitarisme de l’humain, qui n’a jugé bon de s’y installer qu’un temps, sans se soucier de la longévité de ses ruines. Quant à l’île dévastée par un cyclone (en réalité Tuvali, l’un des plus petits pays du monde), elle prend des allures post-apocalyptiques : voitures et toitures retournées, ces éléments que nous connaissons via les reportages télévisés, apparaissent au moment où le commentaire évoque les nobles « signes d’une civilisation disparue »… Que suggère l’étrange disjonction entre la précision documentaire des images et la généralité du commentaire érudit, sinon que l’expertise encyclopédique est tout aussi utopique que ces communautés insulaires ? Comme tout film de science-fiction, Slow Action se révèle ainsi film de fantômes. (Charlotte Garson)
Ben Rivers
Kevin Pyne; Chu-Li Shewring
Lux