SOUVENIR D’ATHÈNES
« Il est venu pour lire. Il a ouvert deux ou trois livres; des historiens et des poètes. Mais c’est à peine s’il a lu dix minutes, avant d’y renoncer. » C. Cavafy
Une carte postale, un souvenir d’Athènes : sur une pierre accueillante, un jeune homme replié dans ses pensées, puis qui se déplie, seulement un peu, pour les projeter sur le paysage ; dans le fond, un vestige ; entre les deux, quelques passants minuscules, deux-trois chiens errants qui fendent le cadre ; et dans l’air un disque aux sillons fatigués, une chanson populaire grecque d’où remontent justement ces mots : « carte postale », « souvenir d’Athènes ». Les films de Jean-Claude Rousseau sont-ils des cartes postales ? Oui, au fond : une certaine éternité dans le présent nu d’une image, ramenée de là où l’œil a été. Non, pas du tout : dans la prison de son cadre, l’image de carte postale est sans raccord, sans relation, sinon celle fallacieuse qui fait des mots son envers. Ici comme toujours chez Rousseau, l’image n’existe pas sans rapport, et d’abord avec elle-même, puisqu’elle est démultipliée par les cadres noirs qui l’engloutissent plusieurs fois comme un très lent battement de paupières. Remontée chaque fois de ce gouffre, secourant le spectateur qui y était tombé avec elle, elle n’est ni tout à fait la même ni tout à fait une autre – quelque chose comme : un souvenir d’elle-même. Et la toute dernière image, puisqu’en vérité il y en a deux ici (c’est-à-dire : une infinité plus une) ? Un vrai fantôme, celle-là, ramené d’un peu de poussière par les sillons muets du disque.
Jérôme Momcilovic
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Jean-Claude Rousseau - jeanclauderousseau@laposte.net