Un, Parfois Deux
C’est une maison à la campagne où se tourne un, parfois deux films. De la mise en place des plans, du cadre et de la lumière, et des répétitions aux prises, des problèmes à leurs solutions. Tout ce qui, au moment du tournage, reste hors du champ de la caméra : et toute une équipe tendue vers ce qu’il y a dans ce champ. Pour Laurent Achard, peut-être plus que pour d’autres – à en juger d’après ses propres films, parmi lesquels les longs métrages Plus qu’hier, moins que demain (1998), Le Dernier des fous (2007), Dernière Séance (2011) – la fiction est une affaire de hors-champ, force qui produit le sens, aussi précis qu’indéfinissable, de chaque plan. On dit en général (c’est un peu un cliché) du hors-champ qu’il « travaille » le film. Ici, l’équipe travaille à un film qui reste hors champ, qu’on reconstitue par bribes, et qui vient « travailler » en retour la petite histoire de ces gens qui font un film. Or, cette histoire de tournage n’est pas derrière le film en train de se faire, ni devant lui, mais toujours à côté. […] Les plans longs et larges de Laurent Achard cherchent ce qui se fait à côté : comment, pour la régie dans la cuisine, faire du café pendant que ça tourne dans l’autre pièce (sans faire de bruit), ou comment, pour les acteurs dans le plan, être seulement deux dans une pièce pleine de gens. Il y a cette très bonne scène où Catherine Deneuve apparaît et disparaît entre les membres de l’équipe, contre-pied absolu au plan frontal qu’ils sont en train de saisir.
Luc Chessel (Libération, 2 décembre 2016)
La Traverse
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