Une Ombre au tableau
Tout fout le camp. Perruque poudrée, bien droit dans son cadre, l’ancêtre regarde avec consternation sa lignée se désagréger deux siècles plus tard. C’est bien simple : ils ont oublié jusqu’à son nom. Du cadeau de mariage du baron X vendu à un antiquaire au puzzle représentant le château de la famille craquelé, fissuré et percé de part en part, d’une sculpture oubliée d’un chérubin à la dépression de la mère atteinte de la maladie d’Alzheimer, c’est la désagrégation d’un monde que filme Amaury Brumauld pour son fils, en l’occurrence le sien, un monde de traditions, destiné en principe à durer et qui, plan par plan, s’effrite, s’écroule comme un frêle château de cartes, comme si tout n’était qu’illusion. Fondus d’images réelles et d’ « aquarelles » à la palette graphique, enchevêtrement de toiles inachevées et de fragments de films de famille, de porcelaines anglaises entassées dans des meubles poussiéreux et de cérémonies huppées où l’aristocratie s’échange les bonnes adresses du Routard, cette dislocation du monde et de soi, à la fois légère dans ses détails et terrifiante dans son obstination, qui est la matrice d’Une ombre dans le tableau s’inverse du simple fait qu’elle est filmée, de la même façon qu’une ruine conserve intacte la mémoire d’un monument dans sa splendeur passée. Aussi vite qu’il se détruit l’univers se recompose autour d’un centre absent et ce mouvement organique met à jour le véritable mode de transmission d’un héritage. (Yann Lardeau)
Films du Balibari
Yvan Petit
Brice Kartmann; Yann Legay
Amaury Brumauld
Films du Balibari