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Va, Toto !

Pierre Creton
2017 France 92 min
©Andolfi

À Vattetot-sur-mer débarque chez Madeleine un marcassin transi sur le point de mourir. « J’ai tenté d’écrire cette première hypothèse. Je suis allé au bout, en vain. Il m’est apparu très artificiel de raconter une histoire isolée, parce que cela n’arrive jamais dans la vie. Par exemple, vous tombez amoureux pendant qu’un ami meurt. C’est la concordance des choses et des événements que j’ai tenté d’approcher. Les mouvements (parfois contradictoires) de la vie et la multiplicité des désirs, le temps d’un film. Alors sont arrivés Vincent et Joseph.» P.C. (Cultiver, habiter, filmer, conversations de Pierre Creton avec Cyril Neyrat, éditions Independencia, 2010). L’image est du règne animal, écrivait Fernand Deligny, voulant dire par là qu’elle partage avec les bêtes le privilège de ne pas être asservie au langage. On ne parle pas aux bêtes, sauvages ou domestiques : on les regarde vivre, se mouvoir, dormir, on peut aussi les suivre et s’ouvrir dans leur sillage à un devenir-animal. Le silence des bêtes nous impose de les y rejoindre, leur compagnie nous accorde des plages d’existence libérées du langage, de son emprise sur le monde sensible. Le silence qu’octroie l’absence du langage fonde l’intimité originelle du cinéma et des animaux, la séduction qu’ils exercent sur la caméra, le pouvoir d’attraction sur sa passivité. De cette aimantation silencieuse, le cinéma de Pierre Creton, plus qu’un autre, manifeste l’évidence. Filmer, convertir l’existence en cinéma, c’est pour lui une manière d’intensifier le devenir-animal qu’il cultive au quotidien, d’en accueillir les preuves et les effets dans l’image, d’y retenir les joies qu’il procure et que le cours des choses humaines et langagières menace toujours de négliger ou d’emporter. L’image est du règne animal, mais un film n’est pas fait que d’images, fussent-elles sonores. Le langage s’y mêle, passe entre les images et les sons, se compose avec eux pour ouvrir et tracer les voies du sens. Si tout film est composé d’image et de langage, le cinéma ne vaut qu’à sortir le langage de sa routine, de le confronter à l’épreuve de l’image pour le rendre étranger à lui-même. Avec Va,Toto !, le saut de Pierre Creton dans l’écriture littéraire instaure dans le film un  rapport nouveau entre image et langage, un nouvel écartement. L’image, qu’elle soit silencieuse ou sonore, qu’on y voit des hommes ou des animaux, n’a jamais paru si souveraine, dégagée de l’action comme de la signification. Quant au langage, il est conduit majoritairement par le texte écrit par Pierre Creton, récité et monté off en un tissu de voix qui flotte au-dessus ou à la surface de l’image. Cyril Neyrat (extrait du texte paru dans le livret de l’édition DVD de Va, Toto ! chez JHR, Post-éditions, 2017)

Production :
Andolfi, Arnaud Dommerc
Scénario :
Pierre Creton, avec l’aide de Vincent Barré, Mathilde Girard et Pierre Trividic
Image :
Pierre Creton, avec l’aide de Léo Gil Ména
Son :
Michel Bertrou
Montage :
Ariane Doublet
Avec :
Ghislaine Paul-Cavallier (voix de Françoise Lebrun) Vincent Barré (voix de Jean-François Stevenin) Pierre Lavenu (voix de Rufus) Pierre Creton (voix de Grégory Gadebois), Sabine Haudepin, Xavier Beauvois, Catherine Mouchet.

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