Viajo porque preciso, volto porque te amo
Mêlant les images arrêtées et les travellings, les paysages nus et arides du Sertão et les vues flashy de motels, les notations scientifiques et les portraits-souvenirs des demoiselles de petite vertu, les séquences documentaires et les arabesques visuelles, le végétal et le minéral, la vitesse et les jump cuts, jouant sur les textures des focales et des supports, du Super-8, de la DV, de la Haute Définition, Viajo porque preciso, volto porque te amo, est un faux road-movie. Les coupes, dans ce trajet sans cesse repris, comptent autant sinon plus que le mouvement. Simples fissures au départ, elles se font failles, gouffres. Comme le note lui-même le voyageur, l’immensité, ici, abolit le mouvement. Dans ce paysage infiniment même, on a le sentiment de faire du surplace. Pire encore : de revenir en arrière. Sous le prétexte convenu d’une mission géologique en vue de la construction d’un canal, Viajo porque preciso, volto porque te amo est le récit d’un naufrage, celui d’un couple trop complémentaire pour s’entendre, lui géologue, elle botaniste — l’aveu d’un deuil impossible qui consume le narrateur. Loin des yeux, loin du cœur – ça ne marche pas : Viajo porque preciso, volto porque te amo est une lettre d’adieu, une lettre d’amour fou où, plus le film avance, plus la raison avouée du voyage se délite, plus la passion dévore son auteur, plus la nuit, le clair-obscur, l’obsession de la chair et le goût de la mort sur fond de cors et de percussions mexicains, recouvrent la terre écrasée de soleil du sertão. Cœur de pierre contre plante carnivore. (Yann Lardeau)
REC Produtores
Karen Harley
Waldir Xavier
Heloisa Passos