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MADAME BAURÈS de Mehdi Benallal

A travers ce film, la tentative de retrouver une parole qui s’est envolée avant même que le cinéaste n’ait eu le temps de l’enregistrer. Cette parole aurait été la voix posthume de Raymonde, se livrant telle une grand-mère aurait légué les photos de sa vie à son petit-fils. Mais la vie va trop vite, fait ellipse avant même qu’il y ait cinéma. Raymonde s’en va et emporte avec elle des heures de confidences, telle la matière fantôme de l’histoire d’une femme que nous n’aurions pas pris le temps d’écouter du temps de son vivant.

Pourtant, le dispositif est bien là, installé dans le cadre contre vents et marées, contre l’urbanisme au sein duquel, et ce au fil de ses évolutions, Raymonde s’est sentie enfermée, rejetée, seule. A l’image, la difficulté de se faire accepter devient celle de la caméra, osant les plans frontaux et fixes face à des habitants hostiles, de la même manière que Raymonde avait fait le choix du communisme, avait osé dire non à son patron lorsqu’il lui avait demandé d’enlever le poster de Brejnev de son bureau.

Oui, la communiste et le cinéaste restent ces deux figures marginalisées, dès lors qu’elles tentent de se situer, de donner leur vision du monde.

Ce rejet, d’ordre autant idéologique qu’esthétique, interroge la place de l’individu dans un espace mouvant, des premiers HLM aux résidences cossues, d’un sentier du Bois de Vincennes à un chemin bétonné menant à la gare. De la diégèse du film au cadre, l’individualité cherche sa place dans l’espace et le temps. Et s’il fut trop tard pour que le cinéaste puisse installer la voix de Raymonde dans son récit, il parvient à l’incarner de manière aussi poétique que politique, grâce, notamment, à ces statues résistantes, inscrivant dans la pierre et le film un personnage que nous aurions, nous aussi, aimé écouter.

Juliette Arradon

  • Prochaine projection : lundi 18 mars à 20h40 (Cinéma 1)