Figure Minus Fact
La nuit, comme le deuil, reconstruit l’espace par l’absence : les formes au seuil de la perception amplifient l’ouïe et le toucher. Lorsqu’une personne meurt, on est tiré vers le concret et le tangible, mais l’incrédulité crée un univers d’objets incertains.
La vie organique, figée dans une vue en coupe grossie au microscope, s’expose au son d’une note machinique. Puis un mot manuscrit émerge du flou : « Ne parle pas, sauf si cela peut parfaire le silence. » Figure Minus Fact se nourrit de tels paradoxes pour en produire à son tour. Le dessin coloré initial pourrait aussi bien être une image scientifique qu’une œuvre d’art abstrait. Des cloches sonnent sur l’image d’une cloche fixe, qui ne se met en branle que lorsqu’elle sort du champ. Le mouvement est lancé et déjà stoppé, ou bien l’inverse. Mary Helena Clark procède par décontextualisation et rapprochements pour tracer des chemins inattendus entre les êtres. Ses images s’enchaînent selon une logique à construire à tâtons, en se laissant pénétrer par les émotions délicates que suscitent ses images, où les choses sont dépouillées de l’évidence qui caractérise si souvent leur apparition. Les textures sont hétérogènes, et donc apparentes. Le bleu qui teinte certains plans évoque une nuit américaine trop intense, dont l’effet d’illusion serait raté, mais mimant, de la nuit, le potentiel de transfiguration. Un paysage est mis en mouvement par la rotation d’une caméra. Le cinéma rebat les cartes. Le film procède d’un rapport phénoménologique au monde : il s’ancre dans le corps qui le saisit, par machine interposée. Il dessine alors un mouvement de balancier entre la communion avec le règne naturel et la distance qui s’impose quand le cours de la vie est contrarié. Lorsque la vue microscopique revient au terme du film, les traits des cellules sont attaqués par le flou, avant de laisser place à un implacable monochrome.
Olivia Cooper-Hadjian
Mary Helena Clark
Mary Helena Clark