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A propos de Nice

Jean Vigo
1929 France 35 minutes muet

Avec les 100.000 francs donnés par son beau-père quelques mois après son mariage avec Lydu, Jean Vigo achète une caméra Debrie d’occasion et engage l’opérateur Boris Kaufman, frère de Dziga Vertov. Claude Autant-Lara, Henri Storck lui fournissent de la pellicule. Jean Vigo a 24 ans. Il mourra cinq ans plus tard. “… Il ne s’agit pas aujourd’hui de révéler le cinéma social, pas plus que de l’étouffer en une formule, mais de s’efforcer d’éveiller en vous le besoin latent de voir plus souvent de bons films (que nos faiseurs de films me pardonnent ce pléonasme) traitant de la société et de ses rapports avec les individus et les choses… Se diriger vers le cinéma social, ce serait consentir à  exploiter une mine de sujets que l’actualité viendrait sans cesse renouveler. Ce serait se libérer des deux paires de lèvres qui mettent 3.000 mètres à s’unir et presqu’autant à se décoller. Ce serait éviter la subtilité trop artiste d’un cinéma pur et la super-vision d’un super-nombril vu sous un angle, encore un autre angle, toujours un autre angle, un super-angle ; la technique pour la technique. Ce serait se dispenser de savoir si le cinéma doit être à  priori muet, sonore comme une cruche vide, parlant 100% comme nos réformés de guerre, en relief, en couleur, en odeur, en etc… Car, dans un autre domaine, pourquoi n’obligerions nous pas un écrivain à  nous dire s’il utilisa, pour rédiger son dernier roman, une plume d’oie, ou un stylo ? Ce sont là  en vérité articles de foire. Au reste le cinéma est régi par la loi des forains. Se diriger vers le cinéma social, ce serait consentir simplement à  dire quelque chose et à éveiller d’autres échos que les rots de ces messieurs dames qui viennent au cinéma pour digérer… Se diriger vers un cinéma social c’est donc assurer le cinéma tout court d’un sujet qui provoque l’intérêt ; d’un sujet qui mange de la viande. Mais je désirerais vous entretenir d’un cinéma social plus défini, et dont je suis plus près : du documentaire social, ou plus exactement du point de vue documenté. Dans ce domaine à  prospecter, j’affirme que l’appareil à  prise de vues est roi ou tout au moins président de la République. Je ne sais si le résultat sera une œuvre d’art, mais ce dont je suis sûr, c’est qu’il sera du cinéma. Du cinéma en ce sens qu’aucun art, aucune science ne peut remplir son office… Ce documentaire social se distingue du documentaire tout court et des actualités de la semaine par le point de vue que défend nettement l’auteur. Ce documentaire exige que l’on prenne position car il met les points sur les i. S’il n’engage pas un artiste, il engage au moins un homme.Ceci vaut bien cela… Et le but sera atteint si l’on parvient à  révéler la raison cachée d’un geste, à  extraire d’une personne banale et de hasard sa beauté intérieure ou sa caricature, si l’on parvient à  révéler l’esprit d’une collectivité d’après une de ses manifestations purement physiques. Et cela avec une force telle, que désormais le monde qu’autrefois nous côtoyions avec indifférence, s’offre à nous malgré lui au-delà  de ses apparences. Ce documentaire social devra nous dessiller les yeux”. Jean Vigo

Production :
Jean Vigo
Distribution :
Gaumont
Photo :
Boris Kaufman

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