And Thereafter II
Même retour sur l’histoire d’un pays sous un angle singulier, même personnage de prostituée, de femme à GI : par bien des points And Thereafter II rappelle L’Histoire du Japon racontée par une hôtesse de bar de Shohei Imamura. Surtout par ce point fondamental : l’amour qui lie le cinéaste à son personnage et qui fait de lui non plus le témoin d’une histoire qu’il nous restitue, mais un personnage essentiel du récit. Ces deux films ont en commun d’être des histoires d’amour. Ils diffèrent pourtant par le contexte : la guerre de Corée n’est pas le Japon vaincu et occupé ; surtout, l’héroïne d’Imamura n’a jamais quitté le Japon, alors qu’Ajuma, la « fiancée de guerre » a émigré aux Etats-Unis et coupé tous les ponts avec la terre de ses ancêtres – sans jamais réussir à s’intégrer à sa nouvelle famille ni à s’adapter à l’American way of life et à la langue de Faulkner. Son mariage n’a pas résisté à la traversée du Pacifique. Là où le film d’Imamura réveille une histoire enfouie (Les Femmes de la nuit de Mizoguchi) et met à vif un hiatus dans l’histoire du Japon, Hosup Lee met le doigt sur un effacement dans l’histoire de la Corée – comme dans celle des Etats-Unis. Son héroïne n’est pas une mémoire enfouie, mais un oubli de l’histoire. Le refus initial d’Ajuma d’être filmée, par peur de raviver des souvenirs pénibles, montre bien qu’elle a repris à son compte cet effacement, comme en témoignent sa solitude, son repli dans le jeu et son intérieur standard. Seule l’insistance du cinéaste la fait revenir sur sa décision, mais non pas comme témoin de l’histoire : comme femme. S’instaure alors entre eux un jeu du chat et de la souris où se mêlent la séduction, la manipulation et la sincérité, l’intérêt et la générosité, le flirt et les scènes. Une vie de couple avec ses hauts et ses bas, intense et mouvante. Hosup Lee se sert d’intertitres pour dévoiler, au cours du film, son making of, et confronter avec humour le projet initial avec ce qu’il devient entre les mains d’Ajuma : au jeu du chat et de la souris, la souris gagne toujours. (Yann Lardeau)
DocuEye Production (Hyunk-Ock Im)
Hosup Lee
Hosup Lee
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