Archipels nitrate
Des images. Par milliers. Parfois intactes, d’autres fois rayées, virées, presque effacées. Des images qui reviennent à l’esprit de manière incontrôlable. Pourquoi ce plan de Sayat Nova de Paradjanov, cet autre de The Great Train Robbery de Porter, ce regard de Maurice Ronet dans Le Feu Follet de Louis Malle ? Pourquoi ces images s’incrustent-elles, survivent-elles ? Soustraites à leur récit initial, elles nourrissent – dans Archipels Nitrate – une nouvelle partition. Et c’est le lot des images : mémorisées, tout spectateur en fait un usage très intime et détourné. Elles cristallisent en elles – parfois – un monde, une vision du monde. Ce qui soude, lie une image à une autre est archaïque. En nous, ces images, d’époques et d’écritures différentes, se parlent, s’échangent du sens. Et qu’on le souhaite ou pas, elles parlent toutes de temps. J’aime penser que le « cinématographe » ne s’est occupé que de ça : saisir ce qui n’est déjà plus, injecter une vitesse « virtuose » dans un fragment inanimé et recréer un leurre essentiel. On pourrait même supposer que le « cinématographe » est le premier outil qui nous a permis de jouer avec la mort sans en avoir l’air. D’avoir l’impression d’être regardés par ceux qui sont là sans qu’ils soient encore de ce monde. Etre spectateur renouvelle constamment cette expérience du temps, cet être au présent de la projection. Là, à chaque fois, nous sommes « synchrones » au Christ de Pasolini ou à ce personnage féminin de Lars von Trier dans Breaking the waves, « synchrones » à l’homme esseulé de Los Muertos de Lisandro Alonso. Oui, je dirais qu’au cinéma il n’y a que ça : le présent-présent, le présent-passé, le présent-futur (dixit Saint Augustin). Claudio Pazienza.
Komplotfilms; RTBF
Julien Contreau
Irvic Olivier
Claudio Pazienza; V. Pinckaers
Komplotfilms