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Corps Samples

Astrid de la Chapelle
2021 France 15 min
©Astrid de la chapelle
©Astrid de la chapelle

Au départ, il y a une simultanéité. Un fossile marin de crinoïde mis à jour près du sommet de l’Everest, un célèbre alpiniste britannique qui s’évapore et un leader russe qui s’éteint sont le point de départ d’une histoire de la transformation de la matière. Dans un vaste mouvement, les matières terrestres se brassent et se métamorphosent, les échelles et les temporalités se télescopent et les corps humains se nichent au creux des grands processus terrestres.

À l’orée de Corps Samples, il y a deux corps qui virent en 1924 leur état changer : celui d’un alpiniste qui sera retrouvé congelé près de l’Everest, 75 ans après sa disparition, et celui de Lénine, trépassé mais conservé à grands renforts de produits pétrochimiques. Deux corps, donc, ayant atteint post-mortem un état de symbiose avec le minéral – fossilisés, pour ainsi dire, comme ces animaux marins également imprimés dans la roche de l’Himalaya. Persistance de la brièveté des vies organiques dans la longue durée géologique, la figure du fossile concentre la réflexion d’Astrid de la Chapelle qui, une fois son point de départ posé, procède uniquement par juxtaposition et superposition d’images. Corps Samples recense les points de friction entre les échelles humaine et minérale, sur le plan temporel comme sur le plan spatial. Les paysages sont modelés par des entreprises d’extraction – de marbre à Carrare ou de pétrole – vouées à la production d’artefacts qui viendront se mesurer au monde naturel, et souvent lui faire de l’ombre. Le pixel lui-même, qui se rend visible dans certains plans, renvoie au minerai nécessaire à sa fabrication – le cuivre et le zinc des circuits imprimés. Pas de doute, nous sommes bien dans l’Anthropocène, et pourtant vient se glisser dans le récit visuel une représentation du Carbonifère, lointaine ère géologique que nous ne pouvons qu’imaginer. Le film s’enroule alors sur lui-même : est-ce l’homme qui regarde la pierre, ou la pierre qui regarde l’homme ?

Olivia Cooper-Hadjian

Production :
Bandini Films
Image, montage :
Astrid de la Chapelle
Son :
Astrid de la Chapelle, Quentin Romanet
Musique originale :
PAL

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