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Un mal sous son bras

Marie Ward
2021 France 16 min

Le soir, un groupe d’hommes se réunit sur le stade d’une école d’élite qu’ils ont autrefois fréquentée. Certains d’entre eux sont les grands gagnants de cette société nouvelle. Colons sur leurs propres terres, ils détournent les yeux pour ne pas voir la gangrène qui s’y forme.

Le cadavre ballonné d’une vache flotte au large des quartiers chics de Beyrouth. Sous l’influence d’un mystérieux sortilège, des hommes interrompent leur entraînement pour se retrouver dans les bois. Une tempête de grêle fait voler en éclats les façades de verre de la ville – on croit à tort qu’il s’agit de l’explosion du 4 août 2020 tant les images et la violence de la déflagration sont similaires. Quelle malédiction, quel châtiment, quelle colère surnaturelle s’abattent ainsi sur le Liban ? Le mal est peut-être en vérité une aubaine. Marie Ward invente la trame sibylline d’un conte pour évoquer l’histoire du littoral et la manière dont l’ingérence coloniale française a dévoyé la culture et les mœurs libanaises. Évocation à grands traits bien sûr, car si ce film, de même que l’installation dont il fut un élément, reposent sur une recherche rigoureuse sur les parades navales viriles de la fin du dix-neuvième siècle et la construction de lieux de pouvoir qui imposèrent cette puissance française en modifiant en profondeur les rapports sociaux qui lui préexistaient, il y voit aussi l’occasion de renverser ces rapports de force, libérer un imaginaire fermement refoulé, mettre au jour des désirs ordinaires étouffés par la violence latente de la normalité. Épousant les routes sinueuses du littoral dans un mouvement qui monte vers les hauteurs et redescend avec précipitation, Un mal sous son bras retrouve, à sa façon pleine de ruse et de finesse, le droit chemin : celui qui court-circuite la honte et ramène aux images les plus anciennes.

Antoine Thirion

Lire l’entretien avec la réalisatrice sur le blog Mediapart de Cinéma du réel

Marie Ward

Diplômée des Arts Décoratifs de Paris en septembre 2020. Pratique de l’image et du volume.
Ces dernières années ont été animées par le désir de comprendre par quels rouages un pays ou une communauté en vient à en dominer un.e autre – quelles sont leurs conséquences – et comment naissent et se transforment les identités dans le cadre des ces rapports de dominations.
Si l’histoire n’est pas à regarder de haut, on y entre souvent par la grande porte collective. Toutefois, les petites intrigues sont parfois plus parlantes que les tableaux de la grande légende. Il s’agit alors de fouiller, de décortiquer, d’inscrire les personnages dans leur environnement sensible, d’enregistrer les gestes simples.

Production, montage :
Marie Ward
Image :
Sacha Lévêque, Louise Fauroux, Marie Ward
Son :
Victoria Assas, Vincent Domenet
Réalisation musicale :
Victoria Assas

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