Creative Chaos: Round One
Abbas plante un figuier. Son frère, à la caméra, lui fait remarquer que l’arbre a triste figure. Mais cela n’entame pas la confiance d’Abbas. « La racine est bonne, il repartira. » Cette dernière scène du film le résume à elle seule. Le figuier est une métaphore du Liban au lendemain de la guerre des trente-trois jours, dévasté par les bombes israéliennes, mais toujours vivant. Hassan Zbib propose ici une vision stupéfiante de la guerre où sa vanité ressort cruellement. Le plus fort cogne, tue, détruit, rase, et des ruines fumantes de ce chaos la vie reprend, indifférente. Trop de guerre tue la guerre. Au sud du Liban, elle a tellement envahi le paysage que les hommes ne la voient plus. Des enfants circulent au milieu des gravats sans les voir. Seule les guide leur mémoire : là, ils jouaient à des jeux vidéo, là habitait un de leur camarade mort, là était la boutique de jouets. Dans les décombres de son village, un paysan, fusil à l’épaule, part à la chasse des prédateurs qui égorgent ses poules. La mère du réalisateur a refusé de quitter sa maison. Sa seule obsession pendant les bombardements était la propreté de son balcon. La guerre avec Israël est secondaire à ses yeux. Seule compte celle qu’elle a, perpétuelle et épuisante, avec son fils à propos de l’entretien du jardin, de la récolte d’olives… Les victimes comme les rescapés réagissent identiquement à l’événement, avec des gestes quotidiens, loin du pathos des idéologies et s’en remettent toujours, pour expliquer ce qui les dépasse, à la volonté si énigmatique de Dieu. (Yann Lardeau)
Planet Korda Pictures; Odelion
Ruben Korenfeld
Dany Traboulsi
Hassan Zbib
Hassan Zbib