Dear Chantal
Chantal Akerman voulait savoir si elle pouvait louer la maison de ma soeur à Mexico. Ce film, conçu comme une série de lettres aussi ludiques qu’improbables, forme une réponse à sa demande en même temps qu’un hommage miniature.
« Chère Chantal… » : un bref photogramme suffit à désigner la destinataire, si chère en effet, des missives compilées off dans ce court et beau film formant lui-même une seule et même lettre. C’est une image de Je, tu, il, elle. Chantal Akerman, 25 ans à peine dans ce premier long métrage de 1974, y est allongée sur un matelas semblable à un radeau perdu dans un océan de lettres – sur le parquet tout autour, un courrier amoureux se répand en dizaines de brouillons raturés. « Chère Chantal », donc, comme un écho aux correspondances si nombreuses qui ont traversé l’œuvre de la cinéaste (lettre à l’amante dans Je, tu, il, elle, lettres de la mère dans News from Home, lettres du Canada dans Jeanne Dielman et Golden Eighties…). Ici les lettres sont plus prosaïques en apparence. Une grande cinéaste (Akerman, donc) veut louer une maison au Mexique, et le film décrit l’activité de ses hôtes, frère et sœur, occupés à préparer sa venue. La sœur arrange les lieux tandis qu’on entend, off, les réponses formulées par le frère aux demandes de la future locataire. Avec ce double geste, Nicolás Pereda ressuscite l’entêtante question du cinéma d’Akerman : qu’est-ce qu’habiter un lieu, un plan de cinéma, ou même l’espace minimal d’une simple lettre ? Et c’est à Akerman elle-même qu’au passage, par le biais de cette situation et de cette correspondance fictives, Querida Chantal rêve brièvement de redonner vie, pour lui rendre un peu de l’hospitalité sans égale qui fut celle de ses films.
Jérôme Momcilovic
Nicolás Pereda and Garbiñe Ortega
Nicolás Pereda
Nicolás Pereda