Devil’s Peak
Un enchevêtrement de récits poétiques et de références codées, reflets des récents changements intervenus dans le tissu socioculturel de Hong Kong, patrie de l’artiste, et commémoration d’une époque et d’un lieu qui ne seront peut-être plus jamais tels qu’ils étaient.
Devil’s Peak poursuit avec une intensité renouvelée l’entreprise psychogéographique au long cours que Simon Liu consacre à sa ville natale de Hong Kong, et dont Signal 8, en compétition ici-même il y a deux ans, était une autre éblouissante étape. Frotté au même abrasif (accélérations furieuses, clignotements déments, combustion de la moindre couleur, du moindre reflet sur les arêtes du béton) mais d’un geste plus énergique encore, le film finit de faire rendre aux images de la ville (voirie labyrinthique, néons bègues, foule vibrante de manifestants) tout leur jus d’anxiété dormante. Plus encore que dans les précédents films, ce raz-de-marée de puissances cinétiques donne le sentiment d’avoir embarqué dans un train fantôme, happé sans résistance possible par une force venue du sous-sol. La bande sonore, elle encore tout en méandres, encourage franchement cette impression, tant ses lambeaux de voix et de musiques réverbérées paraissent nous parvenir par la voie d’une fréquence occulte. Un évident jeu de mots nous tend d’ailleurs les bras, suggéré par une voix plus sourde que les autres et recouvrant une image d’immeuble en flammes. Devil’s Peak, le pic du diable, c’est presque « devil speaks », le diable qui parle, entendu dans la rumeur urbaine malaxée par le film comme on croyait l’entendre en passant à l’envers certains morceaux des Beatles ou de Led Zeppelin.
Jérôme Momcilovic
Rachael Lawe
LiuSeeLiu
liufilmsliu@gmail.com