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Foedora

Judith Abensour
2021 France 80 min

En mai 2016, à Ramallah, a ouvert le Musée de la culture et de l’histoire de la Palestine. Inauguré vide, il le restera pendant plusieurs mois jusqu’à ce que se prépare la première exposition, dédiée à Jérusalem. Le film se déroule pendant cette période de transition, durant le chantier d’une ville rêvée, contrepoint d’une réalité politique qui rend de plus en plus hypothétique la perspective d’un futur État palestinien.

Retraçant le long processus impliquant la direction de l’institution, les artistes, les curateurs, les régisseurs, les équipes de sécurité, des premiers repérages au vernissage en 2017, Foedora suit l’installation de l’exposition inaugurale du Musée Palestinien de Bir Zeit, à douze kilomètres de Ramallah. Mais la réalité, on s’en doute, est plus complexe que cette brève présentation ne le laisse suggérer. D’abord parce que rien n’est moins simple et moins certain dans un territoire sous occupation que l’existence d’une telle institution. Ensuite parce que cet évènement remplace une première exposition inaugurale qui n’a jamais eu lieu. La belle idée de Judith Abensour, et la raison pour laquelle elle emprunte son titre à l’une des fameuses villes invisibles d’Italo Calvino, fut d’inventer une voix qui se souvient de cette exposition qui n’a pas été, pendant qu’une autre la recouvre peu à peu. Une voix qui la rêve aussi, car une part de licence poétique entre dans le récit qu’elle en fait. Ce n’est pas à la cuisine interne de l’institution qu’Abensour s’intéresse, mais à l’irréel du passé. Entre le récit que voulaient raconter les responsables de la première exposition, et celui que le nouveau directeur Mamoud Hawari veut aujourd’hui mettre en avant, Abensour ne distribue pas les points et se contente d’en donner à comprendre les désaccords. Mais lorsque la voix se met à chanter, on comprend que la subtile irréalité du film est le produit d’une question poétique qui n’a cessé de le travailler. Une question de langage, de mode et de temps, peut-être propres à ce que serait un récit palestinien : ce futur hypothétique du passé qui forme l’époque d’un présent ouvert, intériorisant l’extension de plusieurs futurs avortés.Antoine Thirion

Lire l’entretien avec la réalisatrice sur le blog Mediapart de Cinéma du réel

Production :
Acqua alta, Poteau d’angle
Image :
Mathias Sabourdin
Son :
Ameen Nayfeh, Samuel Mittelman
Montage :
Thomas Bauer
Musique originale :
Benoît Delbecq et Kamilya Jubran

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