I Had Nowhere to Go
Raconter l’histoire de Mekas, le fondateur de l’Anthology Film Archives à New York, c’est réfléchir sur l’histoire du cinéma d’avant-garde – dont Mekas est une figure clé – et confronter aux impératifs de ce cinéma les propres décisions esthétiques de Gordon : refus de la narration linéaire, de la correspondance constante entre image et son, ainsi que de la censure du noir entre les photogrammes. […] Du point de vue historique, les extraits de journaux intimes lus dans le film nous décrivent la vie de Mekas adolescent lors de l’occupation de la Lituanie durant la Seconde Guerre mondiale. En se concentrant sur des souvenirs de la guerre racontés par un narrateur invisible, l’œuvre de Gordon soulève la question de la possibilité (ou de l’impossibilité) de représenter cette catastrophe que fut la guerre, tout en s’inscrivant dans le débat cinématographique initié par Shoah de Claude Lanzmann (réalisé en 1985), qui privilégiait l’utilisation de témoignages oraux. […] Après Zidane : un portrait du 21e siècle (co-réalisé avec Philippe Parreno), I Had Nowhere To Go voit Gordon s’affirmer en tant que portraitiste novateur, voire iconoclaste. Cependant, alors que Zidane déconstruisait le personnage par le biais de l’hyper-visibilité, ce portrait cinématographique y parvient par une forme de sous-visibilité, en masquant les apparitions à l’écran, mais également en questionnant le sens de l’identité et de l’intégrité chez le spectateur : les différences entre histoire et phénoménologie, entre individualité et altérité, s’estompent alors.
Ory Dessau (www.documenta14.de)
Douglas Gordon, Zeynep Yuecel, Sigrid Hoerner
Douglas Gordon
Frank Kruse
Ninon Liotet
Tôru Takemitsu
Candace Laughlin
Centre National des Arts Plastiques, ruth.peer@culture.gouv.fr