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Le Tempestaire

Jean Epstein
1947 France 27 minutes Français

Sur la côte bretonne, une jeune femme s’inquiète pour son fiancé parti en mer. Sa grand-mère lui conseille de faire appel au “tempestaire”, un vieil homme qui a le pouvoir d’apaiser les éléments. « …Dans cet affinement du cinéma sonore, il paraissait évidemment nécessaire d’expérimenter ce qu’y pourrait ajouter le procédé du ralenti qui ne cesse d’enrichir le règne visuel de tant d’aspects non encore vus. Ainsi tout au long du Tempestaire, j’ai pu me servir de bruits de vents ou de mer, enregistrés à  des vitesses variables, allant jusqu’au rapport quatre. L’effet de ce ralenti du son, de cet étirement des vibrations acoustiques dans la durée est double. D’une part, avec l’abaissement de la fréquence des vibrations, la tonalité s’aggrave en descendant d’une octave chaque fois que le rapport du ralenti s’accroît d’une unité. Ainsi le même bruit peut se trouver enregistré dans plusieurs tessitures différentes. Ce qui permet par montage et mixage, la création d’une véritable partition purement sonore. L’autre effet du ralenti sonore est un effet d’analyse des bruits complexes. Comme l’œil, l’oreille n’a qu’un pouvoir de séparation très limité. L’œil doit faire appel à  un rapprochement et à  un grossissement dans l’espace, obtenus par une lunette, pour apercevoir qu’une clôture, qui paraissait une surface continue, se trouve faite de pieux, plantés à  intervalles. L’œil doit user d’un ralentissement, c’est-à -dire d’un grossissement dans le temps, pour voir que le direct d’un boxeur, qui semblait un mouvement simple et rectiligne, à  vitesse constante, est en réalité une combinaison de mouvements musculaires multiples et infiniment variés. De même, l’oreille a besoin d’une loupe à  grossir le son dans le temps, c’est-à -dire du ralenti sonore, pour découvrir que, par exemple, le hurlement monotone et confus d’une tempête, se décompose, dans une réalité plus fine, en une foule de bruits très différents, jamais encore entendus : une apocalypse de cris, de roucoulements, de borborygmes, de piailleries, de détonations, de timbres et d’accents, pour la plupart desquels il n’existe même pas de noms… »

Jean Epstein

1897-1953

Production :
Cinémagazine
Son :
Léon Vareille; Séverin Frankiel
Photo :
Albert Militon

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