Les Forêts sombres
« Maurice était arrivé un soir au village. Un soir, sous la pluie. Personne ne s’attendait à le revoir… » D’emblée, une voix singulière et reconnaissable frotte aux possibles de la fiction le quotidien d’un hameau sibérien. Si la forêt est source de travail (les habitants ramassent des pignons qu’ils vendent au seau), elle semble aussi empêcher toute tentative de sortie, les jours de neige. « Seul sans fusil, j’ai pas intérêt à croiser l’ours », remarque Vassia, qui marchera trois heures pour atteindre Tchilissou… À l’intérieur d’une izba, une poignée de voisins s’invite à boire ou à casser la (maigre) croûte. Pourtant il ne s’agit pas ici de documenter l’existence d’une culture autochtone rare. Stéphane Breton trouve l’humanité dans ses derniers retranchements, au bout du froid, de l’alcool, de la pauvreté. La quasi-autarcie érige aussi ce petit territoire gelé en exception. « La plupart de ces Sibériens [des Monts Altaï] travaillent maintenant en ville », écrit le cinéaste. « Ils sont parfaitement russifiés et se sont intégrés à la vie moderne. Ils ont même adopté le christianisme orthodoxe, ce qui ne les empêche pas de convoquer les chamanes à tout moment. Mais justement, il reste ces bouts de forêts, ces villages noircis, les vieux qui ne veulent rien savoir, qui préfèrent finir dans leur coin en parlant la langue locale délaissée par les enfants et qui trouvent dans la sauvagerie des bois la source même de leur âme et de leur énergie de vie. » (Charlotte Garson)
Catherine Rascon
Stéphane Breton
Stéphane Breton
Les Films d’Ici / CNRS Images
Les Films d’Ici