Lévy et les vaches

“A quel marché vas-tu, ce matin ? Saverne ou Nancy ? – Saverne – Tu me dis Saverne, pour que je croie Nancy. Mais je sais bien que c’est Saverne, pas la peine d’essayer de me tromper ! … Tu me prends pour un goy ou quoi ?!” Cette fameuse histoire juive, je l’ai entendue souvent racontée par mon grand-père paternel, Edgar Lévy, qui se l’était appropriée et l’avait attribuée au quotidien de sa corporation : les négociants en bestiaux, juifs, alsaciens-lorrains. En patois, les goys, c’est à  dire les non-juifs, les appelaient Viehjud soit littéralement “Juifs aux bestiaux” (ou encore Kühjud “Juif aux vaches”). Comme tous ses ancêtres depuis le 17ème siècle, mon grand-père poursuivait à  Phalsbourg, à  la frontière de l’Alsace et la Lorraine, cette tradition juive de marchand de bestiaux de père en fils… En 1950, à  l’âge d’or de ce commerce, mon père, plutôt fumiste au lycée, se met sur le marché, pendant 10 ans, sous la gouverne de mon grand-père et de son oncle. Aujourd’hui, mon père qui a quitté la profession depuis 40 ans, est à  la retraite. J’ai eu envie de raconter, avec son aide, son expérience, et ses souvenirs, l’histoire de cette corporation.