Malaak et le vaste monde
Malaak est une jeune fille qui déborde de vitalité, d’humour, de poésie. Elle entend le vent là où la réalisatrice avec ses écouteurs n’entend que le rire des enfants dans la rue. Elle a un grand projet : partir pour le Canada. Elle en a un autre plus petit, mais pas nécessairement plus accessible : ne plus porter le voile, le retirer progressivement. Malaak est Yéménite. Elle travaille pour des organismes internationaux, mais elle est aussi l’otage des croyances de sa famille. Malaak souffre du lupus. Elle ne sort du Yémen que pour se faire soigner au Caire. Ces séjours sont aussi l’occasion de mener sa vie comme elle l’entend, de se libérer du voile et de prendre ses distances avec une famille qui voit, dans cette maladie incurable, un châtiment de Dieu. Dans un de ses rêves, sa sœur, le visage haineux, ouvre en riant la porte de sa maison à une bande d’affreux géants. Affaiblie, incomprise, Malaak sent que quelque chose s’est brisé en elle. Malaak et le vaste monde, à première vue, est un portrait, celui d’une jeune femme attirée par le monde moderne et captive des traditions de sa famille, rêvant de terres lointaines et cloîtrée dans une chambre. A y regarder de plus près, c’est une autre histoire, celle d’un lien entre Malaak et la réalisatrice, d’un pont, d’un pacte, d’un film tourné en secret, contre la volonté des parents. Celle aussi d’une responsabilité : la réalisatrice est plus qu’une amie à qui la jeune fille peut sans crainte confier ses rêves, elle est aussi une sœur qui peut entendre sa solitude morale. La caméra ne s’éloigne jamais beaucoup du visage de Malaak, même au Caire, quand elle filme les lumières de la ville : la ville est noyée dans la nuit et Malaak est toujours là, au premier plan, de dos. Le vaste monde est un hors champ qui ne se conçoit pas sans Malaak. (Yann Lardeau)
Chants de Lumière
Benoît Keller
Ahlem Aussant-Leroy
Ahlem Aussant-Leroy